Portrait
Rendez-vous avec Dajo Aertssen de Cafés Muda

Pour notre portrait adhérent du mois, rendez-vous avec Dajo Aertssen gérant de Cafés Muda à Lille.
Bonjour Dajo, Pouvez-vous nous en dire plus sur vous, votre parcours ?
Je suis originaire de Belgique et professeur d’EPS de formation. En 2011, après mes études, je suis parti en Australie pour enseigner. Le temps de faire valider mes diplômes, j’ai travaillé à la plonge dans un coffee shop. C’est là que j’ai sympathisé avec le barista qui m’a fait découvrir le bon café, un bon cappuccino sans sucre juste bien moussé qui m’a donné envie d’apprendre les bases du métier de barista. De retour à Lille en 2014, en plus de mon poste d’enseignant, je travaillais en extra chez Coffee Makers qui était le premier Coffee Shop et torréfacteur de café de spécialité. J’y ai appris à torréfier, à découvrir les origines, le café filtre… J’ai eu le deuxième déclic en goûtant un café du Kenya, un café très fruité et très aromatique. Puis, j’ai eu l’opportunité de partir au Brésil pendant neuf mois pour découvrir la partie production. J’ai été accueilli par une famille de producteurs dans la région de Caparaó et c’est cette expérience qui m’a donné envie de travailler dans le café à 100%. En rentrant chez Coffee Makers, j’ai participé à mon premier concours de Cup Tasters que j’ai gagné puis les mondiaux à deux reprises où je suis arrivé en 18ème puis 2ème en 2019 à Berlin. Cela m’a permis de lancer ma carrière et d’ouvrir Cafés Muda à Lille.
Pouvez-vous nous parler de Cafés Muda ?
Muda veut dire jeune pousse de caféier en portugais, c’est un clin d’œil à mon passage au Brésil et ça vient aussi du verbe mudar qui veut dire changer dans le sens où l’on essaie de travailler le café différemment : de mettre en avant le producteur. Nous ne proposons que des cafés traçables depuis la ferme avec une juste rémunération des producteurs. Nous privilégions le côté humain pour construire des relations durables avec les producteurs et les importateurs. C’est relations sont très importantes pour gérer la logistique.
Aujourd’hui, vous êtes plutôt barista ou torréfacteur ?
Un peu les deux jusqu’en 2020. Aujourd’hui, je me considère vraiment comme torréfacteur. J’adore travailler le produit dans sa globalité du producteur au consommateur : cela permet de créer des liens avec les producteurs, sélectionner les meilleurs cafés pour les sublimer en torréfaction et proposer la meilleure extraction. Il est important d’avoir des connaissances de toute la filière. C’est le côté gustatif et aromatique du café et le côté humain et le travail des producteurs qui m’a donné envie de travailler dans cette filière.
Quels sont vos méthodes de torréfaction ?
Nous torréfions sur deux torréfacteurs avec trois profils de torréfaction. Il y a un profil filtre qui va être une torréfaction claire sur le floral, l’acidité et le fruit. Nous avons une torréfaction moyenne adaptée à tous types de méthode et une torréfaction espresso avec plus de corps, de côté gourmand et d’équilibre en bouche. Nous proposons trois gammes : permanentes, éphémères et grand cru, ce qui nous donne pas mal de diversité en termes de profils et de choix car certaines personnes veulent toujours le même café alors que d’autres aiment changer tout le temps.
Vous proposez des ateliers de dégustations, pouvez-vous nous en parler ?
C’est tous les samedis matin, pendant une heure. Nous expliquons les différentes étapes qui se déroulent chez le producteur dans les grandes lignes : les process, les variétés… et ensuite, la torréfaction. Nous goûtons six cafés différents pour essayer de lier la théorie à la pratique. C’est un niveau débutant, très accessible.
Quels sont les cafés que vous proposez et comment les choisissez-vous ?
Nous avons des cafés d’Afrique comme le Rwanda ou l’Ethiopie, d’Amérique du sud comme le Brésil ou le Pérou mais aussi de Birmanie. Ils sont choisis par rapport à leur goût et aux producteurs qui travaillent la qualité de leurs cafés sur le long terme. Nous cherchons vraiment des partenaires avec qui avancer et progresser.
Avez-vous mis en place des actions pour l’environnement ?
Nous sommes en train de passer sur l’électrique pour la torréfaction avec un producteur d’électricité verte. Nous utilisons des sachets recyclables pour les emballages et offrons une remise si les clients viennent avec leur propre contenant. Les livraisons se font également à vélo sur la métropole lilloise.
Vous êtes double champion de France et vice-champion du monde Cup Tasters 2019, vice-champion de France de torréfaction 2024. Vous êtes un compétiteur dans l’âme ?
J’ai toujours fait de la compétition. J’ai pratiqué le basket à haut niveau et aussi de l’ultimate frisbee dans l’équipe nationale belge. J’adore ça.
Comment avez-vous vécu ces championnats ?
Les derniers, je les ai plutôt bien vécus, je me sentais bien préparé. Il y a toujours beaucoup de choses à gérer le jour J pendant la torréfaction. Quand on torréfie nos cafés de compétition, il faut avoir une idée en tête mais il faut aussi pouvoir s’adapter et cela est possible grâce à l’expérience et la préparation. Souvent les gens disent que j’ai l’air stressé mais je suis focus, je suis dans ma bulle et c’est comme ça que je performe.
Quels conseils donneriez-vous à de futurs candidats ?
De vraiment s’entraîner, de lire les règles pour comprendre les critères de notations pour déjà éviter de perdre des points bêtement. Mine de rien, c’est celui qui a le plus de points à la fin qui gagne, la meilleure tasse est difficile à définir car cela reste un peu subjectif. Il faut se préparer au mieux : être dans les conditions du championnat, aller s’entraîner sur la machine en question et bien analyser les échantillons qui nous sont donnés.
Vous avez également coaché des candidats sur les championnats de torréfaction. Que retirez-vous de cette expérience ?
J’étais coach de Laurent Baysse au championnat du monde à Milan, c’était une superbe expérience. C’est quelqu’un qui maîtrise le sujet. Ce sont des moments d’échanges qui nous permettent de se remettre en question, d’apprendre énormément. C’est l’occasion de partager et d’avancer.
Une envie de concourir prochainement ?
Peut-être l’année prochaine sur le championnat de France de torréfaction mais rien n’est encore sûr.
Quel est votre meilleur souvenir café ?
J’ai vécu des moments incroyables au Brésil. Je dormais dans une toute petite ferme dans les montagnes. La journée commençait très tôt à 5h30 avec un petit-déjeuner au lever du soleil, on entendait les oiseaux se réveiller et les bruits de la nature. Prendre un café produit à la ferme et torréfié sur place avec l’eau de source, c’était assez incroyable.
Comment voyez-vous la suite pour Cafés Muda, des projets ?
Nous n’avons pas de gros projets mais souhaitons continuer sur la route déjà tracée : continuer d’appliquer notre vision, de grandir ensemble avec les producteurs, d’essayer d’apporter de meilleurs cafés à nos clients.
Le mot de la fin ?
Je conseille fortement à toutes les personnes qui travaillent dans la filière d’aller dans les pays producteurs. Passer plusieurs jours sur une même ferme est très instructif, on apprend énormément et l’on se rend compte de tout le travail effectué pour obtenir un bon produit.