Portrait

Rendez-vous avec Laurent Baysse de la Brûlerie du Cantin

Pour notre portrait d’adhérent du mois, rendez-vous avec Laurent Baysse de la Brûlerie du Cantin.

Laurent Baysse est champion de France de torréfaction 2021, et revient tout juste des Championnats du Monde, à Milan. Fort de ses 476 points, Laurent est aujourd’hui le 5ᵉ meilleur torréfacteur du Monde.
À peine revenu chez lui, dans la Brûlerie du Cantin, à Lens, il s’est confié sur son expérience des championnats avec toute l’humilité qu’on lui connait.

Bonjour Laurent, comment t’es-tu lancé dans la compétition ?
Quand je me suis remis en question pour les cafés de spécialité, en 2015, je crois que je cherchais la reconnaissance de mes pairs. C’est pour ça que je me suis lancé dans le concours du Meilleur Ouvrier de France, puis du Championnat de France et ensuite du Championnat du Monde.
Quand je me suis mis au café de spécialité, je ne connaissais pas le mot “cupping”. Je suis admiratif de personnes comme Paul Arnéphy (Lomi), Veda Viraswami (Alain Ducasse) ou Anne Caron (Café Caron). Ce sont des gens qui ont su sortir de leur zone de confort pour se mettre à nu dans leur discipline.
Aujourd’hui, la plus grande des récompenses, c’est d’avoir un client qui pousse la porte de la boutique pour voir un champion, mais qui voit surtout un vrai professionnel, un passionné.

La compétition, ce serait donc surtout une validation de ton savoir-faire ?
Depuis que j’ai fait le concours MOF, je me suis rendu compte que la compétition est surtout un choix personnel. J’ai choisi cette voie parce que ça me met en difficulté, ça me sort de ma zone de confort et que ça me permet de repousser mes limites.
Aux championnats du Monde, on est dans la cour des très grands. Avec du recul, on s’aperçoit de la difficulté de l’évènement et c’est une chance dans une carrière. C’est valoriser son métier au plus haut niveau et de représenter la France, quand même.

J’imagine qu’au niveau des difficultés, s’entraîner tout en tenant une boutique, ce n’est pas simple !
Pas du tout ! Heureusement, j’ai pu embaucher un peu de personnel supplémentaire pour m’entraîner. Parce que le plus difficile, c’est l’analyse, les cuppings, croiser les données pour améliorer ses courbes.
Et, bien sûr, la maîtrise des machines. J’ai fait le Q-Grader avec Maria de The Beans on Fire, qui a eu la gentillesse de m’accueillir à Paris. Grâce à elle, j’ai pu m’entraîner sur un Giesen 6. J’ai aussi pu m’entraîner chez François des Cafés Schirrer, à Montreuil-sur-Mer, aussi sur un Giesen 6.
À côté, il a aussi fallu apprendre à torréfier sur Stronghold. Heureusement encore, j’ai pu aller chez mon coach Dajo Aertssen des Cafés Muda, à Lille. Il est aujourd’hui le seul à posséder un Stronghold S7 Pro en France. C’est un autre type de profil que le Giesen, un peu à la Loring. C’est peut-être sur cette machine qu’il est le plus important de s’entraîner, parce que c’est d’elle que dépend tout le reste.

Les machines sont différentes qu’aux Championnats de France ?
C’est la grande différence, en réalité. Aux championnats de France, on est sur une Diedrich. Aux championnats du Monde, tu torréfies d’abord sur Stronghold, puis sur le Giesen.
Dans mon entraînement, j’ai appris à torréfier sur 3 machines différentes, car chez moi, dans la Brûlerie du Cantin, je suis sur une Phoenix.

Et alors, comment se déroulent les championnats ?
La variable principale du championnat de torréfaction est le café vert. Au Monde, on a le café le jour de la compétition. Tu dois d’abord analyser le café, puis établir une stratégie.
La Stronghold est importante parce que c’est sur cette machine que tu échantillonnes et teste ta stratégie, avant de torréfier sur le Giesen.
Sur Giesen, tu fais une première torréfaction d’entraînement, le premier jour. Et le lendemain, tu appliques ta stratégie pour la compétition cette fois.
Il y a beaucoup de projection à faire, finalement, et c’est pour ça que la première torréfaction sur Stronghold est importante. Il ne faut pas oublier, aussi, que dans ce concours, il faut annoncer ce que l’on va faire et faire ce que l’on a dit.

Quels sont les cafés que tu dois sortir ?
Le jour de la compétition, tu as 1 heure pour sortir 2 blends, et 30 minutes pour sortir 2 singles. Tu peux choisir de torréfier les blends et les singles dans l’ordre que tu veux.
Pour les blends, tu dois utiliser les 3 cafés. À Milan, il y avait un café d’Équateur, un du Kenya et un autre du Honduras.
On a chargé un blend en Équateur et un autre en café du Kenya. Le Kenya était extraordinaire, un AA magnifique. C’est pour cette raison qu’avec Dajo, on est partis pour la compétition sur un blend avec beaucoup de Kenya.
C’est celui-là qu’on a retenu, avec 80% de ce café du Kenya, et 10% du café d’Équateur et 10% du café du Honduras, parce que tu es obligé d’utiliser un minimum de 10% des trois cafés dans ton mélange.

Comment toute cette expérience, depuis les Championnats de France, t’a permis de progresser ?
Ça m’oblige à être le meilleur possible sur chaque torréfaction. Je pense que je suis un meilleur torréfacteur depuis que je suis champion de France pour cette raison. Aussi, bien sûr, j’ai plus confiance en mon travail.
Le regard des gens a aussi changé. Quand on est champions, on fait partie d’un cercle plus restreint. 

Sais-tu déjà si tu veux remettre ton titre en jeu ?
Après les championnats de France, j’avais dit que je n’y retournerais jamais ! Après avoir goûté aux Championnats du Monde, on est tenté d’y retourner.
Cette année, j’ai eu beaucoup de chance d’avoir eu Dajo à mes côtés. Il m’a appris à aller dans le micro-détail, quand on rencontre une personne de ce niveau, c’est génial. Cette année, c’est lui qui va se présenter aux Championnats de France. Notre collaboration n’est pas terminée : on inverse les rôles.

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