Portrait

Rendez-vous avec David Serruys de Proqua !

Président du Collectif Café, David Serruys est aussi et avant tout le gérant de la torréfaction Proqua, à Boulogne-sur-Mer. En début d’année, Proqua a fait entrer Malongo au capital de la société, pour enfin sortir d’une période bousculée par la Covid et les différentes crises qui lui ont succédé. Pour le portrait du mois, David a bien voulu partager avec nous son parcours, son ambition pour le futur de Proqua mais aussi pour le café de spécialité, qu’il développe en s’impliquant auprès de jeunes producteurs camerounais. 

Salut David, peux-tu me raconter ta première expérience dans le café ?
C’était il y a 27 ans maintenant, dans une torréfaction lilloise qui s’appelle les Frères Fonteyne. J’avais été embauché pour développer les ventes des machines Conti. Un super challenge. Mais ce n’est qu’en 2011 que je me suis lancé avec Proqua. 

Comment se passe la reprise ?
J’avais 37 ans, et je passe un entretien sur la base de ma première expérience. Il se déroule bien au point de m’associer avec les deux dirigeants de l’époque. Début 2020, j’avais réussi à redresser l’entreprise en lui donnant une direction, en passant d’un café de commodité à un café de qualité, en parlant de projet, de terroir, avec une approche beaucoup plus locale.Tout se passe bien jusqu’à la Covid. L’entreprise perd plusieurs dizaines de milliers d’euros en 2020, pareil en 2021. On aurait perdu encore plus s’il n’y avait pas eu les aides du gouvernement. Sans ça, je pense que cette maison n’existerait plus aujourd’hui. Mais, début 2021, je rachète quand même toute l’entreprise avec un nouvel associé. C’est là que l’on créé un nouveau segment chez Proqua : l’abonnement pour les TPE. Et, ça nous permet de continuer à travailler. La nouvelle aventure démarre, nous revoyons notre charte graphique, on crée un nouveau site qui devient un site marchand, on développe l’abonnement… 

Là, tu reprends confiance en l’avenir ?
 Oui, même si on sait qu’on va encore perdre de l’argent en 2021. On avait une stratégie pour 2022, on pensait que ça allait enfin être notre année et là le cours du café flambe, explose.On passe d’une base 100 à une base de 140. Là, je vais être franc avec toi, je ne veux pas dire que je baisse les bras, mais je me dis que je ne peux plus prendre de risques financiers. 

C’est à ce moment-là que se développe le rapprochement avec Malongo ? 
En 2022, j’ai en effet, rencontré Patrick Portalis, Jacques Jouve et Jean-Pierre Blanc de Malongo. Ce sont les précurseurs du commerce équitable et j’ai l’impression de me retrouver dans leurs convictions. On discute, je leur parle de notre activité jusqu’à ce qu’ils me demandent si ça me dirait de rejoindre la famille Malongo. Et on commence à travailler une feuille de route pour imaginer le Proqua et le Malongo de demain, pour la région Nord.C’est un second souffle qui va nous permettre d’étoffer l’équipe commerciale et d’avoir un projet à cinq ans pour redévelopper toute cette grande région Nord, à la fois sur le marché local et national.On va proposer des cafés qui ont du sens, dans une agriculture raisonnée, mais aussi avec des projets sociaux. On garde, bien sûr, notre activité de magasin, de site internet et de vente d’abonnements en entreprise.
 
C’est quoi aujourd’hui, ton ambition avec Proqua ? 
C’est de perpétuer cette marque, cette culture même, qui fait partie du patrimoine culinaire de Boulogne, et de perpétuer l’emploi. Voilà au moins sept ou huit ans que je n’ai pas eu de turn-over.Aujourd’hui, on fait de beaux cafés, je travaille avec des importateurs qui font des cafés de qualité, on achète nos cafés au juste prix sans chercher à tout prix à faire de l’argent sur le dos des producteurs. Ce n’est pas obligatoirement le résultat financier que je cherche. Ce que je cherche c’est perdurer, c’est construire et se développer dans une dimension familiale. 

Comment cela se traduit pour tes collaborateurs ? 
On a lancé, par exemple, la semaine des quatre jours. Les collaborateurs optimisent leur temps et même si c’est plus compliqué en boutique, on réfléchit à libérer une fois toutes les trois semaines tous les collaborateurs en boutique pour qu’ils aient vraiment de grands weekends, samedi, dimanche, lundi.Au niveau des salaires, on est au-dessus de la grille conventionnelle. Ces valeurs-là, je les ai apportées, mais j’ai aussi les collaborateurs qui adhèrent à ces valeurs. Quand tu regardes le chiffre d’affaires fait par Proqua, si Malongo avait misé uniquement sur la rentabilité, ils n’auraient pas été très emballés. Ils ont regardé le projet d’une manière globale, le projet de demain. 

En parlant de projet, je crois savoir que tu pars très bientôt au Cameroun. Peux-tu m’en parler ? 
Avant le Cameroun, je n’avais jamais mis les pieds dans une plantation. C’est par le biais d’Eric Benchetrit des Cafés d’Eric, à Orléans, que je rencontre le chocolatier Daniel Mercier. Ce dernier nous explique que la production de cafés au Cameroun a été divisée par douze, de 120 000 à 10 000 tonnes, et que ça serait bien de venir voir.Parfois, on peut se dire que le discours du café de spécialité, c’est du marketing. Mais, là-bas, on se rend compte que non, on est réellement dans la vérité et on se prend d’amour pour ce pays, au fur et à mesure des jours qui passent, on s’éclate, on fait des choses, on participe, on imagine des plans. Et on y retourne effectivement demain ! Avec Éric, on a créé une association qui s’appelle Les Cafés Engagés avec l’idée de remettre tous les trois ans, 100 jeunes dans l’Est et 100 jeunes dans l’Ouest, en agriculture raisonnée, voire de conservation. Participer au développement de la filière camerounaise et de la filière de demain, pour du café de qualité et de spécialité, c’est très important dès aujourd’hui.

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