Portrait

Interview de Nicolàs Montero, co-fondateur de SUDUS

21/04/2023, Propos traduits de l’anglais par Larissa Jounot

Bonjour Nicolàs, pouvez-vous nous dire quelques mots sur SUDUS ?

SUDUS est une association que j’ai créée avec Camilo Velasquez, et dont la mission est de planter des couloirs de fleurs pour les insectes pollinisateurs dans les cultures de café en Colombie. Cette idée nous est venue pendant la pandémie. Nous avons eu vent d’une étude menée par des apiculteurs qui alertait sur le déclin massif des populations d’abeilles causé par l’utilisation de pesticides dans les cultures d’avocat et de café… Nous avons donc pris le temps d’envisager des solutions pour aider au retour des abeilles, mais aussi de tous les autres insectes pollinisateurs tout aussi indispensables ! Comment faire revenir et retenir ces agents essentiels à l’équilibre des écosystèmes dans nos paysages ?  En leur offrant le « gîte et le couvert » nous nous sommes dit ! Quoi de mieux qu’une « autoroute » de fleurs variées, toute l’année, et sans pesticides pour augmenter la biodiversité ?

Pourquoi est-il indispensable de s’attaquer à ce problème de pollinisation en Colombie selon vous ?

Il est important de rappeler certaines données d’abord ! La Colombie est le deuxième producteur mondial de café Arabica et notre projet a vu le jour dans le département du Quindío, épicentre du « Paysage Culturel du Café de Colombie » reconnu site du patrimoine mondial par l’UNESCO en 2011… Cette reconnaissance internationale est une excellente chose mais ce serait mieux si la plupart des producteurs de café, dans le département du Quindío mais aussi dans le reste de la Colombie, se souciaient davantage de la biodiversité… en n’utilisant pas de pesticides et en mettant un terme à la monoculture. Un rapport a montré qu’en 2021, dans le département du Quindío, 300 ruches ont disparu ; chacune d’elle comprenant de 40.000 à 80.000 abeilles. Nous parlons donc de 15 millions d’abeilles mortes en un an.  Selon ce même rapport, environ 8.8 billions d’abeilles ont disparu depuis 2010.

Pourquoi SUDUS est un projet important pour vous personnellement ?

Pour nous qui sommes à l’origine de cette association, c’est très satisfaisant de savoir que le café que nous vendons aide à préserver la richesse écologique des cultures, tout en augmentant les revenus des producteurs ! Je suis la cinquième génération de fermiers, Camilo la quatrième, et il y a 40 ans, les grands-parents de nos grands-parents cultivaient déjà du café dans cette région de Colombie. A l’époque, on les encourageait à utiliser des produits chimiques et à privilégier la monoculture. Les ressources en eau et la biodiversité en ont fait les frais. Avec SUDUS, nous cherchons en quelques sortes à réparer les effets néfastes de ces pratiques.

SUDUS, Belco et De’Longhi se sont mobilisés autour d’un projet commun, en quoi consiste-t-il ?

Il s’agit précisément d’un projet de plantation de couloirs de fleurs et d’arbres d’ombrages dans 22 fermes de café, dans la municipalité de Génova. Avec le soutien de De’Longhi, Belco, ses experts et les agronomes qui travaillent sur le projet, nous œuvrons ainsi pour :

  • planter des couloirs de fleurs dans ces 22 fermes : on sélectionne rigoureusement les espèces, on envisage les meilleurs moments et on choisit le meilleur endroit pour installer ces « hôtels-restaurants » pour insectes, 

  • former les producteurs sur la biodiversité, la pollinisation, les arbres d’ombrages, les engrais organiques…,

  • mettre en place des pépinières pour faire pousser de plantes à fleurs et des arbres d’ombrage,

  • effectuer des analyses d’impact pour nous permettre de suivre l’efficacité de ces couloirs de fleurs sur l’augmentation de la biodiversité, sur le moyen et long-terme.

SUDUS en action à la Finca El Mana

Comment avez-vous sélectionné les 22 fermes qui sont entrées dans ce programme ?

Nous travaillons uniquement avec des producteurs qui n’utilisent aucun pesticide dans leur ferme, ni aucun autre produit chimique. Sinon, cela reviendrait à générer des pièges à pollinisateurs ! Un certain nombre d’entre eux travaillent en agriculture « propre », c’est-à-dire qu’ils n’utilisent aucun « poisons » mais ont recours à certains fertilisants, d’autres sont des fermes biologiques et l’une de ces 22 fermes est une ferme biodynamique. Nous nous rendons sur chacune de ces fermes au moins une fois par semaine pour planter des couloirs de fleurs ou agrandir les existants, évaluer le progrès, donner des formations, aider à la construction des pépinières…

Comment est mesurée l’efficacité de ces couloirs de fleurs ?

Sous la supervision de Cristian Ramos (biologiste et apiculteur) et de David Hoyos (entomologiste et photographe), une équipe établit un recensement des insectes présents sur la ferme avant même que nous intervenions avec nos couloirs de fleurs. Environ un an après la plantation des couloirs, nous répétons ce relevé et le comparons au relevé initial. Nous avons obtenu les premiers rapports cette année et nous en sommes très contents. Par exemple à La Finca El Girasol de Robinson Ortiz, nous sommes passés de 21 types d’insecte et 9 familles à 47 types d’insecte et 16 familles. Pour La Finca El Porvenir de Jesús Bedoya, nous sommes passés de 35 types d’insecte et 13 familles à 53 types d’insecte et 20 familles.

Camilo et Nicolàs en sélection de plantes à fleurs.

Quels bénéfices concrets apportent ce programme de pollinisation aux producteurs de café ? 

Il est important de souligner que notre objectif principal était d’augmenter la biodiversité, mais nous en avions un autre, tout aussi clair : celui d’améliorer les revenus des producteurs. Nous payons aux producteurs que nous accompagnons un bonus de 19 centimes pour chaque pound de café vert. Selon des études menées en Colombie et dans d’autres pays producteurs, la pollinisation augmenterait le rendement des caféiers de 20% et le remplissage du grain de 16% et améliorerait aussi les qualités en tasse. Tout cela profite directement au producteur. Enfin, les couloirs de fleurs offrent aux fermiers de la perspective ! Ils sont surpris et fiers de constater la venue d’oiseaux longtemps disparus et pour certains producteurs, cette relation retrouvée avec l’écosystème, permet aussi d’envisager une offre aux touristes… la possibilité de proposer des visites de leur ferme !

Pour les Journées du Café qui sont organisées par le Collectif Café, SUDUS va être mis en avant la Foire de Paris à laquelle 400.000 visiteurs sont attendus. 100% des recettes collectées par les torréfacteurs participants à l’occasion seront reversées à SUDUS, en quoi cela va-t-il vous être utile ?

Nous avons accueilli cette nouvelle avec beaucoup d’enthousiasme et de reconnaissance ! Les challenges sociaux et environnementaux n’attendent pas ! Ce soutien va nous permettre de mieux avancer sur les projets entrepris, et d’atteindre plus rapidement nos objectifs ! Avec plus de ressources, nous pourrons inclure davantage de fermes dans le programme et élargir les bénéfices de ces couloirs de fleurs géographiquement. Actuellement nos avons 2 km de couloirs rien qu’à Génova, notre but est de doubler ce chiffre et le nombre de familles bénéficiant du programme.

De plus, depuis quelques mois nous diversifions les couloirs de fleurs en incluant des plantes médicinales. Cela permet aux producteurs d’en récolter les fleurs pour faire des préparations cosmétiques. Nous avons le projet d’organiser en fin d’année des ateliers pour former les producteurs à la préparation de pommades, de baumes pour les lèvres, de savons, de shampoings… pour leur consommation personnelle ou pour la vente et leur permettre ainsi diversifier leurs revenus !

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