Portrait

Rendez-vous avec Mélanie Badets de Tchanqué Gourmet !

Depuis 2018, Mélanie Badets est à la tête de Tchanqué Gourmet, qui regroupe à ce jour les marques Cafés Tchanqué et Cabane 53 pour les cafés de spécialité plus pointus. Mais, la Championne de France de torréfaction 2019 ne s’arrête pas là ! Elle s’apprête à lancer une nouvelle marque, dédiée aux cafés à impact social et environnemental : Empreinte. Découvrez l’interview de Mélanie Badets, pour qui chacun a droit à son café, et découvrez son parcours riche de mille expériences caféinées dans son portrait du mois !

Bonjour Mélanie, comment a commencé ton histoire avec le café ?

Eh bien, elle a commencé en 2005, quand j’étais étudiante en agronomie. Je pensais plutôt partir dans la pisciculture ou l’océanographie, quelque chose de beaucoup plus proche de la mer. J’avais notamment la lubie de partir au Pérou, qui était la Mecque pour la pisciculture marine. Comme on ne prenait pas de femme en stage sur les plateformes, j’ai regardé ce qu’avaient fait les anciens de mon école. Je suis tombée sur une personne qui avait fait un stage chez des producteurs de café en Amazonie. Donc, c’est comme ça que je suis arrivée en Amazonie, que j’ai découvert le café et ai adoré ce que j’ai vu là-bas. J’ai orienté mes études en caféiculture et caféologie et en sourcing. Depuis, la passion ne m’a pas quittée.

Quand te vient l’idée de te lancer dans la torréfaction ?

Après cette expérience, j’ai continué mes études d’agro. Je me suis spécialisée dans la culture du café au Mexique. Mais, j’avais aussi une autre corde à mon arc, l’économie agricole. Quand j’ai fini mes études, j’ai travaillé dans ce domaine, toujours à l’étranger. En 2013, j’ai eu envie de revenir dans le café. J’ai pris un poste de chef d’atelier de torréfaction, et c’est là que j’ai découvert ce métier, en travaillant tous les jours et en me formant auprès de la SCA et de mes pairs.

Qu’est-ce qui a motivé ce changement vers la torréfaction ?

Pour moi, c’est plutôt une continuité. Ce que j’aime bien dans la partie agronomique, c’est de voir l’impact sur la tasse, c’est hyper complémentaire. Aujourd’hui, j’aborde peu la partie barista. Et pour autant, je pense que quand je vais sérieusement m’y mettre, je vais continuer à parfaire cet ensemble.

Est-ce que tes études d’agronomie continuent de t’apporter au quotidien ?

Oui, mais plus dans la partie méthodologie, dans la façon d’apprendre, de m’organiser. Quand on est ingénieur agri, on a aussi une casquette « agroalimentaire” qui m’aide au quotidien. Ensuite, quand je vais visiter des producteurs, je pose certaines questions et voir rapidement si le producteur me dit vrai. Si je remarque quelque chose au pied de l’arbre, je sais que c’est un fertilisant ou des intrants chimiques. Si on essaye de me vendre un truc vertueux, sans aucune chimie, je vois vite si je peux avoir confiance en la personne.

Comment a évolué ta vision de la torréfaction entre tes débuts, ta victoire aux championnats de France de torréfaction en 2019 et aujourd’hui ?

J’ai toujours eu la chance de travailler dans des entreprises engagées du point de vue des achats. Ça a toujours été important pour moi et ça le reste. Ce que je confirme avec le temps, c’est l’importance de la qualité. Je milite pour faire de bonnes choses, pour que les gens boivent de bons produits, qui ont poussé dans de bonnes conditions environnementales et sociales, et sont transformés dans les règles de l’art. Aussi, j’ai une vision d’entrepreneur en plus de celle de torréfactrice. J’aimerais qu’on arrête les clivages entre les marchés. Proposons de bons cafés à tous ! L’expérience d’achat et le conseil diffèrent d’un marché à un autre. Je pense qu’il faut se focaliser sur ça.

Comment avoir, en tant que torréfacteur, une action positive et concrète sur le “bon”, que ce soit gustatif, social ou environnemental ?

Je prends un exemple assez simple. En 2019, je pars en Ouganda et en Tanzanie, avec Angel Barrera de chez Belco. En Tanzanie, lors d’une visite dans une ferme, on voit des paysages splendides, mais aussi des enfants qui travaillent. J’explique aux propriétaires de la ferme que ce que je vois me gêne, et qu’il y a peut-être quelque chose à faire. On leur a proposé de mettre en place une structure d’accueil à l’entrée de l’exploitation, juste pour accueillir les enfants et qu’ils ne soient plus considérés comme une main d’œuvre. On parlait grosso modo de 7 500 €, partagés entre Belco, eux et moi. La personne a refusé notre proposition, j’ai donc refusé d’acheter leurs cafés. Que les choses ne soient pas parfaites aujourd’hui, c’est compréhensible, mais je ne veux pas travailler avec une ferme s’il n’y a aucune volonté de changement.

Une notion revient souvent sur votre site, c’est l’indépendance. Pourquoi est-ce important pour Tchanqué ?

C’est très important pour avoir le choix de ses convictions, le choix de ses combats. Dans le monde de l’agroalimentaire et du café, on voit des entreprises qui rachètent d’autres entreprises. On a l’impression d’acheter des cafés différents, en réalité ce n’est pas le cas. C’est triste et voilà pourquoi je crois que l’indépendance peut apporter d’autres visions.

En termes d’offre, c’est justement pour une question de diversité que tu travailles sous 3 marques, Cafés Tchanqué, Cabane 53 et Empreinte ?

Cafés Tchanqué faisait partie d’un fonds de commerce que j’ai racheté. Quelque chose d’ultra-local, car Tchanqué fait référence aux maisons sur pilotis du Bassin d’Arcachon. Quand j’ai repris la marque, on travaillait beaucoup avec la grande distribution et cela pouvait gêner les petites épiceries qui aimaient aussi nos cafés. Ce sont des cafés de spécialité qui vont de 80 à 85.  J’ai alors créé Cabane 53, une marque dédiée aux épiceries fines et qui ne contient que des grands crus coups de cœur, presque sans limites de prix. Le café de spécialité dans toute sa splendeur, à l’échelle d’un producteur, de la ferme, voire d’une parcelle.  Enfin, on travaillait aussi beaucoup avec des magasins bios et on avait envie de quelque chose d’unique pour eux. Avec mon équipe, nous avons créé le projet Empreinte. Et, là, on travaille à l’échelle d’un projet qui peut être un projet de reforestation, un projet sur l’égalité homme-femme, la valorisation des cafés de forêt…

Que conseillerais-tu à quelqu’un qui veut découvrir le bon café ?

Si une personne a un palais peu habitué, je vais lui proposer de commencer par Cafés Tchanqué, pour comprendre la différence entre un pur origine et un assemblage, et commencer à éduquer son palais. Ensuite, selon les affinités de la personne, soit je l’oriente vers Empreinte, soit je l’oriente vers Cabane 53. Je pense qu’il est bon d’éduquer son palais en choisissant différents cafés, mais, il faut aussi jouer avec tous les modes d’extraction, les paramètres. Quel que soit le café, l’important, c’est de s’amuser !

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