Ce mois-ci, le Collectif Café met à l’honneur Anne Caron, une figure engagée et passionnée de la filière café, à la tête de la Maison Anne Caron, entreprise familiale fondée en 1974.

Bonjour Anne, pouvez -vous nous raconter votre parcours et ce qui vous a amenée vers le café ?

J’ai repris l’entreprise familiale dirigée par mon père, dans une vraie logique de transmission. Le café fait partie de ma vie depuis toujours. Petite, je baignais déjà dans cet univers.
J’ai suivi des études scientifiques, travaillé dans la recherche, puis dans le conseil en entreprise avant de revenir, presque naturellement, vers l’univers du café.

Lorsque mon père est arrivé à l’âge de la retraite, la question s’est posée : vendre l’entreprise ou me la transmettre. J’ai choisi de reprendre l’entreprise car je trouvais cette aventure intéressante, séduite par le potentiel et les défis qu’elle offrait. J’ai souhaité lui donner un nouvel élan, tout en restant fidèle à ses valeurs initiales.

Pourquoi avez-vous choisi de vous engager pour un café éthique et durable, et comment cela se traduit-il concrètement ?

Mon père a toujours mis en avant un café d’excellence avec la qualité comme axe prioritaire. Avec ma formation scientifique sur l’écologie et les écosystèmes, il m’a paru évident de considérer le café comme un produit qui s’inscrit dans un écosystème global : il a un impact sur l’environnement comme sur les populations. Travailler sur cet équilibre me semble essentiel.

Un projet vous tient-il particulièrement à cœur ?

Oui, le projet KAWALE au Guatemala, dans lequel je suis engagée depuis plus de dix ans. Il permet à plus de 400 familles de vivre de leur production. Nous travaillons avec de petits producteurs et avec Renardo, qui dirige la coopérative. C’est un projet vertueux, dans lequel la rémunération des producteurs est directement liée à la qualité du produit.

Votre entreprise a-t-elle mis en place des actions en faveur de l’environnement ?

Bien sûr même s’il est difficile d’en faire un résumé rapide car le développement durable est une vision à 360 : c’est l’attachement à produire un café responsable. Nous avons obtenu la certification ISO 14 000 et plus de 60% de nos cafés sont aujourd’hui transportés à la voile. Nous menons aussi un travail de fond sur la santé au travail avec l’aide d’un ergonome depuis un an, ce qui nous vaut d’être nominés pour un prix de la CRAMIF.

Vous êtes Meilleure Ouvrier de France 2023 et Meilleure Torréfactrice de France 2017, comment avez-vous vécu ces concours ?

J’ai adoré ces concours autant la phase de préparation que les épreuves elles-mêmes. La préparation m’a permis de me recentrer sur le produit avec le plaisir de rechercher l’excellence du geste. Ces concours sont de formidables moments de rencontres entre pairs : on échange avec des professionnels de très grande qualité, tous animés par la même passion du café. Ces titres m’ont offert une reconnaissance précieuse, celle du travail accompli.

Quels conseils donneriez-vous aux futurs candidats ?

Je leur dirais : travaillez, organisez-vous, et entourez-vous bien. Il faut savoir dégager du temps, se faire accompagner, se former, répéter les gestes pour qu’ils deviennent naturels pour aborder le concours avec moins de stress et plus de précision.

Pouvez-vous nous parler de votre livre Cafégraphie ? Que révèle-t-il de votre vision du café ?

Cafégraphie est un livre ludique, pédagogique, illustré de nombreux schémas pour mieux comprendre le café. Chaque double page peut se lire séparément, sans contrainte, selon son niveau d’intérêt. Je voulais qu’il soit à la fois accessible à tous et suffisamment riche. Cela fait partie des choses que l’on apprend en tant que scientifique : faire en sorte que ce soit simple à comprendre. Ce livre est destiné à tout public : quelqu’un qui ne connaît rien au café ou quelqu’un qui connaît déjà ce monde. La réédition, parue en septembre, intègre de nouveaux contenus sur les impacts environnementaux et sociaux du café, en cohérence avec ma vision du développement durable.

En tant que vice-présidente du Collectif Café et membre du conseil d’administration de la NAVSA, vous êtes très investie dans la filière. Pourquoi cet engagement vous semble-t-il essentiel ?

Parce qu’il y a des combats que l’on doit mener ensemble. L’union de la filière est indispensable pour faire avancer les choses durablement et avec cohérence.

Côté café, comment torréfiez-vous vos cafés ? quels profils aromatiques recherchez-vous ?

Nous avons deux ateliers de torréfaction, l’un à Saclay en région parisienne, l’autre au Havre en Normandie. Nous travaillons de manière artisanale, en adaptant le profil de torréfaction à chaque café et à son mode d’extraction. 99% de nos volumes sont consacrés à notre Blend signature : un espresso à la française avec de la sucrosité, de la rondeur, du corps et une palette aromatique riche.

Quels conseils donneriez-vous à un torréfacteur qui débute ?

Avant tout, bien se former.  Apprendre à comprendre le café avant de se lancer. Et surtout, ne jamais sacrifier la qualité.

Qui sont vos clients ? Et comment conseilleriez-vous quelqu’un qui veut découvrir le café de spécialité ?

Nous travaillons essentiellement en BtoB : cafétéria d’entreprise, distribution automatique, room service…Pour ceux qui souhaitent découvrir le café de spécialité, je recommande vivement de venir au Paris Coffee Show et d’adhérer au Collectif Café.

Avez-vous un café ou une méthode d’extraction préférée ?

J’aime particulièrement les cafés de la région de Sidama et la méthode AeroPress.

Un souvenir autour du café à nous partager ?

Un moment fort reste une dégustation en Equateur, au cœur d’une plantation, où nous avons torréfié un café sur une machine à pop-corn… Un moment inoubliable : le plaisir de boire ce café fraîchement torréfié avec les moyens du bord au cœur de la plantation.

Le mot de la fin ?

Le café est en pleine révolution. Mon souhait est qu’il ne soit plus perçu comme une simple commodité mais comme un produit de culture et de savoir-faire.