Portrait
Rendez-vous avec Carlos Murillo de Café Quilate
Pour notre portrait adhérent du mois, rendez-vous avec Carlos Murillo, co-fondateur de Café Quilate à Bordeaux.
Quel est l’histoire de Café Quilate ?
Une photo, un prix, et un déclic… Un jour, ma mère nous envoie une photo de ses plants de café remplis de fruits rouges à maturité, une superbe récolte en perspective dans la ferme Magale, ferme familiale héritée par Pablo, mon grand-père. A ce moment-là, avec ma femme Manon, nous venions juste de quitter l’île de Saint-Barthélemy où nous travaillions et après avoir demandé le prix de vente au kilo du café vert (0,27$/KG) et la qualité du grain (82-84 SCA) le déclic était là, on va participer au développement de la ferme familiale. La marque Café Quilate a ainsi vu le jour !
Plusieurs formations ont alors suivi : apprentissage de la caféologie et du métier Barista à La Caféothèque de Paris et la torréfaction chez The Beans on Fire. Il nous tenait également à cœur d’être indépendants en créant notre propre filière café, pour garantir nos principes, avec nos propres sourcing, importation, logistique, etc. ce qui nous permet aujourd’hui de commercialiser du café vert et torréfier exclusivement des grains d’origine Hondurienne 100% traçable.
Nous tenons à remercier, au passage, notre famille, nos amis, la COMIIL, la coopérative historique avec qui notre grand-père travaillait à La Libertad, Comayagua. Ils nous ont ouvert leur porte. Cela nous a permis de faire nos débuts, des dégustations, des torréfactions mais aussi de créer du lien. Avec le temps, le bouche-à-oreille, nous avons rencontré énormément de personnes de ce milieu avec lesquels nous trouvons des valeurs et engagements communs.
Nous nous sommes fixés pour mission d’améliorer l’image du café du Honduras, de promouvoir nos producteurs, leur savoir-faire, de pérenniser leur production par un accompagnement constant et ainsi améliorer leur qualité de vie et par conséquent leurs cafés.
Quel est votre rôle chez Café Quilate ?
Je m’occupe de l’importation, du site internet en passant par la torréfaction, le marketing et la comptabilité : nous réalisons 100% de l’activité de Café Quilate. Tenir toute la filière est un vrai défi !
Comment choisissez-vous vos cafés ?
Conformément à notre forte envie de proposer des cafés surtout de qualité, issus d’un travail familial. Café Quilate a pour ambition d’offrir un produit transparent, respectueux de son environnement et des producteurs qui partagent nos engagements : plantation familiale ou partenaire, récolte manuelle, production responsable, importation indépendante, torréfaction artisanale, aucun intermédiaire.
On vise les cafés qui font la différence. La contrainte, de la recherche d’un café de spécialité c’est à dire, l’excellence, aux yeux des producteurs, ne peux que participer à l’amélioration de leur travail. Les pousser à y arriver est notre but. Et, sans demander ces efforts supplémentaires, nous n’aurions pas nos cáscaras et fleurs de caféiers !
Nous rencontrons une petite contrainte, c’est une origine souvent mal vue et associée à une qualité basique, alors que l’on arrive à trouver des cépages, des terroirs, un savoir-faire, des processus de séchage les plus innovateurs à la hauteur de ce qui se fait dans d’autres origines du monde, et notre souhait est de participer à l’offre en France de belles trouvailles que le Honduras pourrait offrir.
Comment présentez-vous votre café du Honduras à vos clients ?
Nous avons créé une échelle basée sur la typicité du café et le moment de la journée, sa teinte associée à une pierre précieuse pour la signification, sa dénomination et son image.
Le matin nous retrouvons ainsi des cafés plutôt sucrés et ronds pour continuer avec des cafés équilibrés et finir par des cafés fruités ou plus floraux. Les clients comprennent notre démarche et vont s’identifier à un moment de la journée alors que souvent quand une personne va dans un coffee shop et qu’elle n’a pas la notion du café ou le temps d’échanger avec un barista pour connaitre les notes aromatiques, elle va choisir un café catalogué d’un pays sans savoir ce que cela signifie réellement.
Notre but est ici d’accompagner le client de manière simple et de l’aider à choisir son café tout en sublimant chaque arôme.
Cela ne freine pas la clientèle de n’avoir qu’une origine ?
Non, au contraire ! Aujourd’hui, nos clients ont cette curiosité quand ils nous connaissent où nous découvrent. Là où traditionnellement ils se dirigeraient vers un Brésil ou un Colombie pour un expresso, nous leur conseillons un Rubí ou un Ámbar pour le matin et un Éthiopie ou Panaméen, contre un Esmeralda ou un Zafiro pour un café filtre. Nos clients savent qu’ils vont retrouver un équilibre ou de l’acidité en fonction de la gamme choisie ainsi cela devient ensuite naturel. Tout le monde peut se retrouver dans nos cafés du Honduras.
La variété a son importance mais le travail du terroir par le producteur est la clé et c’est ce qui permet d’avoir autant de possibilités dans les cafés du Honduras. Un bon café est un café bien travaillé, qui peut venir de n’importe où dans le monde et se déguster à n’importe quel moment de la journée, c’est cela que nous cherchons à décomplexer chez Café Quilate.
Et donc comment vous les renseignez, quel serait votre conseil pour découvrir vos cafés ?
C’est assez simple, selon les préférences, on s’oriente vers la sucrosité ou l’acidité… Nous aimons bien conseiller et poser des questions à nos clients pour connaître les typicités et les arômes qu’ils aiment et ainsi les diriger vers le café qui leur correspond le mieux. Pour commencer chez Café Quilate, nous conseillons de se diriger vers un café Rubí, avec de la gourmandise, réconfortant par sa riche sucrosité, qui se rapproche d’un café expresso classique … en meilleur !
Votre meilleur souvenir café …
Un souvenir reste indélébile pour moi, lorsque mon grand-père nous avait demandé à mon frère et moi de nous mettre en maillot de bain pour aller à la ferme, la finca, que nous avions l’habitude d’appeler la « montagne » car elle se situe sur des hauteurs de La Libertad, Comayagua. Sachant que nous faisions de la natation, il nous a demandé de lui montrer ce dont nous étions capables en nous indiquant las pilas, les lieux où on lave et fermente le café. Je comprends aujourd’hui que nous avons remué le café pour l’aider à se laver. Nous avions aussi un gigantesque solarium, à nos yeux, et il nous faisait tracer des lignes avec des balais en bois… en fait, on retournait le café pour mieux le sécher. Nous participions au travail de la ferme familiale en nous amusant.
J’ai aussi le souvenir de boire le café transparent tout petit avec mon arrière-grand-mère dans lequel elle nous faisait tremper nos gâteaux.
Est-ce important pour vous d’intégrer les aspects éthiques et durables dans votre entreprise ?
Oui, tout notre travail est basé sur ce point. Nos producteurs s’engagent à améliorer leur production et nous ne cherchons pas à négocier les tarifs d’achats. Nous souhaitons que la rémunération la plus importante leur soit attribuée afin de leur permettre de gagner correctement leur vie et d’investir dans leur ferme pour continuer de faire de la qualité.
Le Honduras est un petit pays qui rencontre de nombreuses difficultés notamment à cause des problèmes économiques et du taux de pauvreté et par conséquent de criminalité important. Les conditions de vie sont difficiles et beaucoup de personnes s’expatrient ce qui engendre des problèmes de personnel pour les fermes. En rémunérant au juste prix les petits producteurs nous les soutenons et leur permettons de continuer à travailler en pouvant vivre dans de bonnes conditions. C’est essentiel pour nous car sans eux, nous n’existerions pas.
Actuellement nous essayons de travailler avec un nouveau producteur qui souhaite commercialiser son café en France. Nous l’accompagnons dans sa transition du café de spécialité conventionnel vers un café plus respectueux sur les aspects éthiques et durables. Nos cafés sont bios mais n’ont pas la certification car cela implique de tels coûts pour nos producteurs, l’importation, la logistique et la marque qu’il serait trop compliqué à intégrer et répercuter. Nous accompagnons ainsi ces nouveaux acteurs à distance et sur place avec notre famille, nos amis, nos partenaires et notre matériel pour qu’ils réussissent à avoir les moyens de cultiver et de transformer leurs cafés dans les meilleures conditions possibles et avoir l’assurance d’obtenir un café qui regroupe tous nos engagements.
Notre volonté première est de conserver la confiance de bout en bout de la chaine, pour nous, nos producteurs et nos consommateurs.
Comment voyez-vous la suite pour Café Quilate, des projets ?
Nous souhaitons nous ouvrir à davantage de torréfacteurs et commercialiser plus de cafés verts. Dans la continuité de nos engagements, nous voudrions accompagner plus de producteurs au Honduras car nos cafés viennent d’un peu partout au Honduras et nous souhaiterions développer par la même occasion, notre palette organoleptique.
Le mot de la fin …
Avec Manon, nous venons du milieu de l’hôtellerie de luxe. J’ai travaillé dans un palace parisien où le café servi restait conventionnel avec parfois des cafés dits « hauts de gamme » tel que le Moka d’Ethiopie ou le Blue Mountain de Jamaïque mais qui étaient mal sourcés et travaillés. Ils étaient proposés comme un produit de luxe car ils étaient servis avec des mignardises et à des prix exorbitants alors que la qualité n’était pas au rendez-vous. J’ai trouvé dommage que ce genre de lieux ne proposent pas aussi de la qualité pour le café alors que cela est largement possible avec le café de spécialité. Nous souhaiterions que le milieu de la restauration et de l’hôtellerie fournisse des efforts en ce sens pour proposer à leurs clients des produits d’excellence comme c’est le cas par exemple dans la sommellerie ou la cuisine.