Au Mans, les Cafés Boc sont une institution. Quand Henri Lemarié reprend les rênes de la marque, en 2020, il ne s’imagine pas encore qu’il faudra bientôt ouvrir une nouvelle boutique pour proposer ses cafés aux clients, toujours plus nombreux.
L’occasion, pour l’artisan torréfacteur, de mettre en avant tout le travail d’une filière, de la cerise à la tasse. Et, pour nous, de le contacter pour en savoir plus sur sa nouvelle boutique et sa vision de la torréfaction !
Vous avez repris les Cafés Boc en 2020, comment êtes-vous arrivé dans le café ?
J’ai commencé ma carrière professionnelle dans l’industrie et je n’ai eu de cesse que d’aller vers l’artisanat. J’ai découvert la torréfaction de café et j’ai beaucoup aimé le produit, ses origines. J’ai aimé cette idée de l’ailleurs, du lien avec le producteur, de partir d’un produit agricole vers un produit de plaisir. Et puis, j’ai aimé l’ambiance de la boutique.Cafés Boc, c’est une institution au Mans, la torréfaction est là depuis 1932. C’est vraiment en la reprenant que je suis arrivé dans ce métier.
Quand vous reprenez la boutique, Cafés Boc fait déjà du café de spécialité ?
Depuis 1932, Cafés Boc faisait les cafés qu’on faisait autrefois, ni vraiment du café de commodité, ni vraiment du café de spécialité. Malgré tout, des cafés agréables à boire et qui correspondent finalement à l’ADN de notre entreprise : du café de tous les jours, pour tout le monde. Et, ça, c’est quelque chose qui m’importe énormément, cette notion d’accessibilité à une boisson du quotidien. Les gens veulent quelque chose de qualité pour tous les jours. Il faut savoir que jusque dans les années 80, cette petite boutique sur son vieux Samiac torréfiait 4,3 tonnes par mois. La disparition du marché du CHR pour les torréfacteurs historiques et la réorientation des particuliers vers la grande distribution a complètement transformé le marché. Quand je reprends la boutique, elle ne fait qu’une tonne par mois. Aujourd’hui, avec notre fournisseur Belco, nous avons introduit des cafés de spécialité. Il y a eu plusieurs recrutements, nous nous sommes formés, notre équipe a transformé la façon de torréfier, nous avons changé notre équipement. Beaucoup de choses ont évolué en trois ans !
C’est quoi pour vous, l’artisan torréfacteur d’aujourd’hui ?
Depuis quelques années, la torréfaction est un métier qui se réinvente ! Avec l’apport des cafés de spécialité et une exigence nouvelle des consommateurs, nous devons proposer de nouvelles pratiques, de la transparence sur la traçabilité. Aujourd’hui, ce qui change énormément au-delà de la technique et de la torréfaction, c’est la connaissance et le lien qui se crée avec les producteurs.
Un autre lien que vous venez de mettre en avant, c’est votre relation avec Belco. Quelle place a cet importateur pour les Cafés Boc ?
Quand j’ai découvert Belco, j’ai découvert ses projets, son implication dans la préservation de la filière. C’est un sujet de préoccupation très important. Les producteurs et les importateurs n’ont pas de vitrine naturelle. Ce sont des entreprises en B2B. Nous, les torréfacteurs, et aussi les coffee-shops, sommes les seuls à avoir accès aux consommateurs. On doit proposer aux gens de lever le nez de la tasse pour découvrir l’amont de la filière et comprendre ce qu’est le café en tant que produit agricole, en tant que produit transformé, en tant qu’enjeu sociétal, environnemental et économique. J’ai rencontré des producteurs au Salvador et au Guatemala. Les cafés que nous proposons viennent de chez eux. Et quand nous accueillons aujourd’hui les clients, c’est pour être la vitrine de filière-là, où chaque acteur a une valeur ajoutée énorme.
Comment votre vision du café a évolué de la reprise à aujourd’hui, notamment au travers des voyages que vous venez d’évoquer ?
En découvrant l’amont, ça devient vertigineux. C’est formidable de s’apercevoir à quel point on est liés. Pour moi, le café est une excellente illustration des liens de dépendance. Je ne sais pas s’il y a beaucoup de produits comme ça. Dans le café, le producteur, la coopérative, l’importateur et le torréfacteur sont intimement liés. Il faut absolument que le producteur sache ce que le torréfacteur cherche à proposer à ses clients pour produire et choisir les variétés, les process. Et, il faut que le torréfacteur sache les capacités et les limites d’un producteur pour ne pas risquer de le mettre en danger. Et ça, c’est une découverte pour moi.
Et le résultat, ce sont les cafés que vous torréfiez et servez. Qu’est-ce qu’un bon café Boc ?
Un bon café Boc, c’est un café de qualité pour tout le monde, pour tous les jours, avec un bon équilibre gustatif. Mais, pour autant, on ne se limite pas à ce café du quotidien. On doit petit à petit proposer de nouveaux goûts, de nouvelles méthodes, sans franchir les étapes trop vite. C’est un chemin de découverte. On doit proposer des cafés vertueux, durables avec un bon équilibre entre l’économique, l’écologique et le sociétal. Dans notre nouvelle boutique, on a maintenant un espace de dégustation et d’échanges pour proposer des cafés auxquels les clients ne s’attendaient pas forcément.
Quelle était l’idée derrière l’ouverture de cette seconde boutique ?
Aujourd’hui, les clients veulent consommer en connaissance. Ils se tournent vers les artisans locaux. La fréquentation augmente. La 1ʳᵉ boutique était devenue trop petite. Cette demande a fait naître une proposition qui s’exprime dans cette nouvelle boutique : le chemin du café du producteur à la tasse. Des caféiers accueillent nos clients, une fresque les immerge dans le paysage d’une ferme. Et puis évidemment, le torréfacteur pour présenter notre métier. Les courbes s’affichent sur un grand écran pendant la torréfaction pour favoriser l’échange et la compréhension. Enfin, le bar pour aller plus loin dans la découverte avec le barista ou le torréfacteur en dégustant différents cafés avec différentes méthodes. On est vraiment sur un espace pédagogique pour permettre un achat en connaissance et en responsabilité, pour répondre à la demande et préserver la filière.